La défense des droits des piétons : un combat juridique pour la sécurité urbaine

Dans un monde où la mobilité urbaine évolue rapidement, la protection des droits des piétons devient un enjeu crucial. Cet article explore les aspects juridiques et pratiques de la défense des usagers les plus vulnérables de nos rues, mettant en lumière les défis actuels et les solutions pour un partage équitable de l’espace public.

Le cadre juridique de la protection des piétons

La défense des droits des piétons s’ancre dans un cadre juridique complexe. Le Code de la route établit les règles fondamentales régissant la circulation des piétons et leurs interactions avec les autres usagers. L’article R412-34 stipule notamment que « lorsqu’une chaussée est bordée d’emplacements réservés aux piétons ou normalement praticables par eux, tels que trottoirs ou accotements, les piétons sont tenus de les utiliser ». Cette disposition souligne l’importance des infrastructures dédiées aux piétons.

Au-delà du Code de la route, la loi d’orientation des mobilités de 2019 a renforcé la protection des piétons en introduisant de nouvelles mesures. Par exemple, l’article L. 2213-1-1 du Code général des collectivités territoriales permet désormais aux maires de fixer une vitesse maximale autorisée inférieure à celle prévue par le Code de la route sur tout ou partie des voies de l’agglomération ouvertes à la circulation publique.

Les responsabilités des collectivités locales

Les municipalités jouent un rôle central dans la protection des piétons. Elles sont responsables de l’aménagement et de l’entretien des voiries, y compris les trottoirs et les passages piétons. L’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales confie au maire la mission de veiller à « la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques ».

Un arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2012 (n° 11-20.299) a rappelé que « la commune est tenue d’assurer la sécurité et la commodité du passage dans les rues ». Cette jurisprudence engage la responsabilité des communes en cas d’accident dû à un défaut d’entretien ou un aménagement dangereux.

Les droits et devoirs des piétons

Les piétons bénéficient de droits spécifiques, mais sont également soumis à des obligations. L’article R412-37 du Code de la route précise que « les piétons doivent traverser la chaussée en tenant compte de la visibilité ainsi que de la distance et de la vitesse des véhicules ». Cette disposition souligne la nécessité d’un comportement responsable de la part des piétons.

En contrepartie, les conducteurs ont l’obligation de céder le passage aux piétons engagés dans la traversée d’une chaussée ou manifestant clairement l’intention de le faire (article R415-11 du Code de la route). Le non-respect de cette règle est sanctionné par une amende de 135 euros et un retrait de 6 points du permis de conduire.

Les enjeux actuels de la sécurité des piétons

Selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, en 2020, 391 piétons ont perdu la vie sur les routes françaises. Bien que ce chiffre soit en baisse par rapport aux années précédentes, il reste préoccupant. Les principales causes d’accidents impliquant des piétons sont le non-respect des règles de priorité par les conducteurs, la vitesse excessive et le manque de visibilité.

L’émergence de nouveaux modes de déplacement, tels que les trottinettes électriques, pose de nouveaux défis pour la sécurité des piétons. La loi d’orientation des mobilités a introduit des règles spécifiques pour encadrer l’usage de ces engins, interdisant notamment leur circulation sur les trottoirs.

Stratégies juridiques pour renforcer la protection des piétons

Pour améliorer la sécurité des piétons, plusieurs stratégies juridiques peuvent être mises en œuvre :

1. Renforcement des sanctions : L’augmentation des amendes pour les infractions mettant en danger les piétons peut avoir un effet dissuasif. Par exemple, le stationnement sur les trottoirs pourrait être plus sévèrement sanctionné.

2. Zones à faible émission : La mise en place de zones à faible émission, prévue par la loi d’orientation des mobilités, peut contribuer à réduire le trafic automobile et à créer un environnement plus sûr pour les piétons.

3. Aménagements urbains : L’obligation légale de créer des aménagements spécifiques pour les piétons lors de la rénovation ou de la création de voiries pourrait être renforcée.

4. Responsabilité civile : Le développement d’une jurisprudence favorable aux piétons en matière de responsabilité civile pourrait inciter les conducteurs à une plus grande prudence.

Le rôle des associations dans la défense des droits des piétons

Les associations de défense des piétons jouent un rôle crucial dans la promotion et la protection des droits des usagers les plus vulnérables. Elles peuvent agir sur plusieurs fronts :

1. Sensibilisation : Organiser des campagnes d’information sur les droits et devoirs des piétons.

2. Lobbying : Faire pression sur les autorités pour l’adoption de mesures favorables aux piétons.

3. Action en justice : Se constituer partie civile dans des affaires impliquant des piétons victimes d’accidents.

4. Participation aux instances consultatives : Représenter les intérêts des piétons dans les comités de pilotage des plans de déplacements urbains.

Perspectives d’évolution du droit des piétons

L’évolution du droit des piétons s’inscrit dans une tendance plus large de promotion des mobilités douces et de lutte contre le changement climatique. Plusieurs pistes d’évolution peuvent être envisagées :

1. Consécration d’un droit à la ville marchable : La reconnaissance légale d’un droit à un environnement urbain propice à la marche pourrait renforcer les obligations des collectivités en matière d’aménagement.

2. Développement de la responsabilité sans faute : L’extension du régime de responsabilité sans faute aux accidents impliquant des piétons pourrait faciliter leur indemnisation.

3. Intégration des nouvelles technologies : L’encadrement juridique des véhicules autonomes devra prendre en compte la protection des piétons.

4. Renforcement de l’éducation : L’introduction d’un module obligatoire sur la sécurité des piétons dans la formation au permis de conduire pourrait être envisagée.

La défense des droits des piétons est un enjeu majeur pour nos sociétés urbaines. Elle nécessite une approche globale, combinant évolutions législatives, aménagements urbains et changements de comportements. En tant qu’avocats, notre rôle est de veiller à l’application effective des droits existants et de contribuer à l’émergence de nouvelles protections juridiques pour les usagers les plus vulnérables de l’espace public. La création d’un environnement urbain sûr et accueillant pour les piétons est non seulement une obligation légale, mais aussi un impératif social et environnemental pour nos villes de demain.